Il y a toujours quelque chose d’un peu sidérant lorsque l’on regarde des films aussi nuls que This is 40. Comme si être raté à ce point, de la première à la dernière seconde, relevait d’une malédiction terrible, à la limite de l’inconcevable. En l’occurence j’ai attendu jusqu’au générique que quelque chose (presque rien, un plan, une réplique, n’importe quoi) vienne sauver le film de sa nullité surréaliste. Ce moment n’est jamais venu et j’ai éteint Netflix d’autant plus désemparée que je savais le même homme capable de réaliser ce navet et l’incroyable série Freaks and Geeks.
Au début, sur Netflix toujours, lorsque l’on voit la description que nous en donne le site, on pense que c’est encore une série débile sur l’adolescence, comme il en existe des centaines et comme on en a sans doute déjà trop regardées. Tout est fait pour nous induire en erreur, l’usage de phrases types comme « une une bande d'ados qui ne pensent qu’à sécher les cours », les sourires niais sur la photo d’illustration… Et pourtant, contre toutes attentes, cette série est une réussite totale.

Mais l’aspect le plus séduisant de Freaks and Geeks reste le parti pris d’aller à rebours de ce que font souvent les séries, surtout celles qui se déroulent dans le milieu adolescent, et de le faire avec succès. Généralement on campe un univers quotidien, banal (le lycée, la maison) et l’on y inscrit de force des aventures extraordinaires (soit carrément fantastiques, soit policières, ou juste excessivement burlesques) qui ne pourraient pas arriver ailleurs que dans une fiction; or dans Freaks and Geeks, c’est comme si Judd Apatow avait décidé de faire du quotidien une aventure, de montrer à l’écran la puissance que ces petites histoires peuvent revêtir pour ceux qui les vivent. Il peut alors subtilement concilier un souffle, d’une certaine manière épique, et un réalisme un peu terre à terre.

L’autre exemple de ce contre-pied idéologique pour le moins inattendu est l’incroyable Millie, incarnation quasi parfaite de la candeur — mais d’une candeur étonnante, sans fard, presque austère malgré ses accoutrements assez baroques — et qui vaut bien, si ce n'est peut-être mieux que le nihilisme des nouveaux copains rockeurs de Lindsay. Il y a notamment une scène qui expose à merveille cette idée, dans laquelle Millie, qui est sur le point de suivre les autres dans leur révolte, en est empêchée par Lindsay et Kim, montrant par là qu’elles connaissent (maintenant qu’elle l’a perdue pour Lindsay, et parce qu’elle ne l’a jamais connue pour Kim) le prix de la quiétude, du sentiment d’être bien à sa place avec un futur peut être tracé d'avance mais tel qu'on l'a toujours voulu aussi. Ce court moment est à mon sens parfaitement explicite: il montre qu’en dépit de leurs discours mêmes la liberté, dont Kim et Lindsay semblent jouir depuis le début de la série, du moins à laquelle elles aspirent de toutes leurs forces, ou leur arrogance, leur insolence, tout ça ne vaut rien comparé aux certitudes que possèdent Millie, à son absence de craintes dans le monde et face à l’avenir. Choisir de préserver sa candeur de leur décadence revenant à admettre que, contrairement aux apparences, elles sont les grandes perdantes et en ont conscience.
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